Faux la Montagne, Creuse, Limousin

Projet de territoire

Pour  préparer la réunion publique et nourrir la  réflexion sur les Communautés de Communes, engagée depuis octobre 2016, nous partageons ici un texte, résumant les réunions précédentes.

Décisions prises par les habitants de Faux la Montagne et de la Villedieu
suite à leurs assemblées d’octobre, décembre 2016, mars et septembre 2017

 

 

Préambule

En octobre 2016, le cirque de la communauté de communes Creuse Grand Sud, avec ses démissions, ses esclandres et ses finances scandaleuses, a suscité la volonté de nous réunir, d’échanger, de parler et de faire entendre notre voix de manière officielle et organisée.
L’idée de faire les frais des erreurs politiques et de la mauvaise gestion de quelques politiciens, et de devoir assumer financièrement leurs errances nous insupporte. Les conséquences de la faillite de la collectivité ne sont pas abstraites : il s’ensuit de la survie d’emplois, de la hausse des impôts, du bradage de notre patrimoine bâti, de l’abandon du soutien à des actions importantes pour la qualité de notre vie ici, etc.
Face à ce constat, nous, habitants des communes de La Villedieu et de Faux la Montagne, nous sommes réunis en assemblée villageoise pour analyser collectivement la situation et y répondre en mêlant nos intuitions à nos certitudes, nos convictions à nos questionnements. L’élaboration collective que nous partageons nous a amené à définir quelques points qui sont pour nous essentiels, en partant d’abord d’un double constat.

1er constat : « Ce qui fait notre force, c’est notre singularité »*.

Nous héritons d’une histoire faite de solidarités.
Ce qui nous est singulier ne date pas d’aujourd’hui. Hier déjà, ceux qui étaient là creusaient à la main les rigoles qui servaient à amener l’eau dans les villages, les foins se faisaient difficilement, mais non sans joie, à plusieurs, et les rares machines se mutualisaient dans des Cuma agricoles. Toute région isolée porte en son sein une propension au travail collectif, à la solidarité et l’entraide. Cette singularité s’est manifestée au cours de l’histoire et, de fait, a contribué à dessiner des esprits similaires.

« Ce qui est particulier ici, c’est qu’on s’organise ! »*
Le dynamisme local que nous connaissons actuellement n’a pas été donné, il s’est construit par et pour les habitants. C’est de cette disposition à faire et à « faire ensemble » que s’est construit tout un ensemble de services que nous nous sommes octroyés et constitués. Ce que nous avons ainsi fait pour nous, d’autres en bénéficient ou en bénéficieront par la suite. Répondre à nos besoins en notre sein, c’est s’assurer de notre propre pérennité. Ce qui est là restera, ce qui s’est construit demeurera.
De ce mouvement s’est dessiné une projection rassurante de ne pas être seul. Ne pas être seul signifie ne plus se concevoir comme un individu isolé mais comme parti-prenante d’une entité multiple, même hétérogène. Et ce mouvement là, il nous est imprenable et nous constitue de fait.

2e constat : « Plus le temps passe, plus les centres décisionnaires nous échappent »*

Repenser la chose publique par nous-mêmes.
Au cours des assemblées et de leurs discussions, nombreux ont soulevé l’intérêt des structures qui ont été mises en place pour faciliter la venue de différents habitants et qui nous semblent, de fait, essentielles. Nous tenons autant à nos pompiers qu’à notre salle des fêtes, à notre maison médicale qu’à nos HLM… Ce qui nous tient ici également c’est, par exemple, d’avoir pu mettre à notre service une crèche, ou plutôt d’avoir soulevé ensemble la question de la garde de nos enfants. C’était il y a 25 ans. Et soudain, la baisse drastique de la subvention de la communauté de communes Creuse Grand Sud (- 20% en 2017) nous rappelle combien il y a de la distance entre nos attentes et la vision « gestionnariale » des institutions. Nous n’avons en réalité que trop peu de choses à attendre de cette logique-là et nous sommes donc obligés de repenser la chose publique par nous-mêmes.

Pour un pouvoir décisionnaire local
Face à notre singularité et aux priorités que nous jugeons les plus importantes pour nos communes, se dresse une logique administrative contradictoire voire antagoniste. L’éloignement constant des centres décisionnaires (la communauté de communes, la grande région, etc.), la logique républicaine déliquescente, dépourvue de sens commun, délégant à tour de bras ce qui s’était constitué comme un bien national (l’eau, les différents réseaux, les services publics…), s’opposent à notre volonté de localiser les instances décisionnaires dans des structurations déterminées par nos soins (nous n’avons jamais été consulté pour fusionner avec la communauté d’Aubusson-Felletin, on ne nous a jamais demandé notre avis pour la création de la Nouvelle Aquitaine).
Nous, habitants, pensons qu’ensemble nous pouvons décider de ce que nous voulons et qu’ici plus qu’ailleurs nous avons la nécessité de le faire tant nos intérêts sont communs. Il se fait sentir entre nous la nécessité d’un pouvoir décisionnaire local, d’une aspiration dans notre fonctionnement à une certaine souveraineté, seule condition pour s’associer, mutualiser, s’allier avec d’autres.

* Paroles prononcées au cours des assemblées.

Comment nous souhaitons nous organiser

« Les habitants doivent être les acteurs de la vie collective »*

Pour aller vers ce à quoi nous tenons, 4 principes d’action nous semblent très importants :

1. Les décisions doivent être prises localement et en toute souveraineté.
Il faut associer tous les habitants, dans la pluralité de leurs regards, à la gestion du territoire en favorisant un fonctionnement dans lequel ils peuvent trouver une place, les moyens de s’impliquer et de partager la prise de décision avec les maires et les conseillers municipaux. Pour pouvoir décider ensemble des solidarités et des priorités, il faut à la fois de la transparence sur les chiffres et les modes de décision et une capacité à les analyser collectivement.

2. Les mutualisations de moyens doivent être mises en œuvre sur des territoires à géométrie variable.
Selon les domaines, les mutualisations intercommunales peuvent se faire sur la base de contractualisations conclues à différentes échelles. L’eau, par exemple, devrait être gérée au niveau des bassins versants qui ne correspondent pas toujours au périmètre des Communautés de communes. La production d’énergie devrait être envisagée avec les communes où sont présents des barrages hydro-électriques. La participation de la commune à une communauté de communes ne doit pas faire disparaître sa capacité de choix, de décision et d’alliance.

3. La gestion directe doit être privilégiée à la délégation de service public.
La gestion des services en régie publique apparaît plus maîtrisable et plus efficace que leur délégation à de grands groupes capitalistiques. C’est aussi un moyen de conserver les connaissances et savoir-faire liés à ce service.

4. La mixité des modes d’organisation doit être favorisée.
Les réponses aux besoins collectifs peuvent prendre plusieurs formes : une intervention publique seule, une intervention publique avec une contribution des habitants ou encore une implication seule des habitants.

* Paroles prononcées au cours des assemblées.

Ce qui est important pour notre territoire

Il nous faut continuer à être des communes ouvertes, bienveillantes et accueillantes.

Pour être un territoire d’accueil, et pour que ceux qui y vivent déjà (anciens et nouveaux, natifs ou migrants) puissent y rester et s’y épanouir, des services et des activités sont essentiels, sur lesquels nous ne transigerons pas face aux administrations publiques ou aux collectivités de niveau supérieur (communauté de communes, département, région) dont les politiques seraient amenés à contredire nos priorités et à nous empêcher de développer ce qui nous paraît vital ou indispensable.

L’enfance
Il faut à tout prix maintenir les lieux et les activités à destination des tout petits et des enfants notamment l’accueil en crèche et à l’école. « Le jour où il n’y a plus d’enfants, c’est la mort. »*

Le logement
Les HLM et le logement passerelle sont des atouts pour l’accueil de nouvelles populations. Cette offre publique de logement doit être maintenue et même renforcée car certaines personnes désireuses de venir s’installer ici ne le peuvent pas en raison d’un manque de logements disponibles.

La santé
Les services de santé présents sur la commune apparaissent indispensables à la vie locale tels que la maison médicale, les sapeurs-pompiers ou encore la pharmacie.

Les services et les activités
L’acteur public qu’est la commune doit garder sa capacité à soutenir la création d’activités, notamment par la mise à disposition de bâti ou de foncier, que ce soit pour des commerces, des activités de transformation ou des services à la population.

L’agriculture, notamment par sa contribution à notre alimentation, comme la forêt dont la maîtrise nous échappe, doivent faire l’objet d’une réappropriation par celles et ceux qui vivent sur place.

Il faut préserver la multiplicité de services et d’actions qu’apportent les associations. La vie associative locale, particulièrement dense, participe à l’ambiance vivante et accueillante du territoire. Cette contribution dynamique est à protéger.

Les initiatives artistiques, culturelles et festives participent du bien-être local et doivent pouvoir continuer à se développer.

L’eau
Cette ressource stratégique doit être gérée de manière à ce que nous en gardions le contrôle. Cette position est particulièrement à défendre en vue du transfert de la compétence « eau » à la communauté de communes à l’horizon 2020.

Ces lignes ont été écrites pour être portées à la connaissance de tous, en particulier dans la perspective d’une coopération intercommunale. Elles constituent un socle de principes et de décisions qui doit diriger l’action publique de nos conseils municipaux et l’action collective qu’en tant qu’habitants nous pourrons mener ensemble dans l’avenir. Ce texte pourra être complété, modifié, amendé, au fur et à mesure des années, de façon à constituer en permanence la référence de ce que nous estimons le plus important pour nos communes.

Les habitants de La Villedieu et de Faux la Montagne réunis en assemblée le 5 septembre 2017.