Alain Détolle, 1er adjoint, a souhaité réagir aux propos de monsieur Bartolomé Lenoir concernant le Sud creusois.
Inacceptable, vraiment ?
Le député creusois a déclaré le 19 octobre sur France 3 à propos de notre territoire : » Dans les jours à venir, je prendrai une initiative forte contre l’extrême gauche en Creuse, il y a dans le sud du département des comportements tout à fait inacceptables et je ne veux pas que des gens qui ne sont pas creusois nous imposent leur culture ».
Bien. On ne peut le contredire. Les résultats de vote d’une partie de ce sud montre en effet une propension à voter majoritairement à gauche. Je comprends tout à fait que cela puisse le contrarier mais, encore pour quelques temps (?), nous avons la liberté de voter pour qui nous voulons.
Je m’interroge en revanche sur les autres éléments articulant son discours.
« Des gens qui ne sont pas creusois »
Grâce à l’action concertée de plusieurs élu-e-s de ce « Sud Creusois », beaucoup de personnes sont venues s’y installer au fil des décennies dans le courant des années soixante. Ils y ont amené leurs compétences, leur savoir-faire mais aussi leurs enthousiasmes et y ont créé de nombreuses activités développant l’emploi et contribuant à la vitalité du territoire. Ils y ont fait souche et comptent, maintenant, deux voir trois générations de présence.
Creusois-e-s ? Pas creusois-e-s ?
Leur présence a amené dans un cercle vertueux de nouvelles et nouveaux arrivants attirés par la dynamique créée et les nombreuses activités proposées. Nous constatons donc une arrivée importante de couples plus jeunes, actifs avec enfants. Ce qui nécessite par exemple d’ouvrir de nouvelles classes dans certaines communes et qui se traduit dans d’autres par un renversement de la tendance avec un solde migratoire désormais positif. Ils ont des projets de vie et d’activités très diversifiés et nous amènent des idées nouvelles mais aussi des énergies et des revenus.
Creusois-e-s, pas creusois-e-s ?
Cette dynamique a contribué à attirer d’autres personnes recherchant des territoires solidaires qui sont venues s’installer dans ce sud à leur retraite, apportant patrimoine et revenus.
Creusois-e-s ? Pas creusois-e-s ?
« Des comportements tout à fait inacceptables »
Et oui, les nouveaux arrivants viennent aussi parce que c’est un territoire dynamique, où se créent de nombreuses activités et où de nombreuses associations sont porteuses de diverses initiatives de solidarité, de culture, de réflexions et de rencontres, creuset de nouveaux rapports au monde et de nouvelles façons de vivre.
Est-ce cela les comportements inacceptables ?
Et oui, il y a localement une envie d’accueillir des réfugiés que les bouleversements du monde ont mis sur la route de l’exil. Cette accueil se fait dans les conditions de dignité et de solidarité qui portent fruit en matière d’intégration puisque ces réfugiés poursuivent des études, deviennent infirmiers, couvreurs, cuisiniers… – métiers dont notre territoire a le plus grand besoin.
Comportements inacceptables, là encore ?
Et oui, certains de ces nouveaux habitants mais aussi beaucoup des « natifs » souhaitent défendre un modèle de développement qui fait la part belle à l’humain, prend soin du territoire et réfléchit à des formes de développement qui ne mettent pas en danger notre patrimoine naturel commun. Ils et elles le font en manifestant, mais aussi en créant des alternatives aux solutions existantes .
Comportements inacceptables, toujours ?
Et oui, quelques groupes de jeunes et moins jeunes vivent des formes d’habitat communautaire, renouant avec des traditions de soutien mutuel que notre société à tendance à dissoudre.
Inacceptable, donc ?
« Nous imposent leur culture «
Monsieur le député qui est ce « nous » que vous évoquez et à quelle culture faites vous allusion ?
Faites vous allusion à celle des maçons de la Creuse qui rapportaient de leurs séjours réguliers dans les villes des idées et des modes d’organisations qui venaient irriguer nos campagnes.
Faites vous référence à ce communisme rural dont nombre de nos communes ont été le fer de lance ?
Faites vous référence à l’admirable comportement des résistantes et résistants de notre territoire face à un État français inféodé au régime nazi ?
Ou bien peut-être à celles et ceux qui décidèrent ici ou là que les monuments aux morts des guerres passées devraient refléter une volonté pacifiste ?
Dans notre République, la liberté de penser, la liberté de circulation et d’installation sont constitutionnelles. Que les nouveaux arrivants sur un territoire soient respectueux de celles et ceux qui l’ont construit rien de plus normal et c’est la base incontournable. Pour autant, ce qui fait la richesse d’un territoire et de sa culture, c’est bien cette capacité qu’elle a d’intégrer les nouvelles personnes qui viennent y vivre dans toutes leurs dimensions, y compris culturelles. Et c’est dans le débat et la confrontation des idées et des modèles que se construit un projet de territoire.
Les bouleversements du monde, ceux là même qui ont conduit beaucoup de réfugié-e-s sur notre sol, méritent que l’on s’attaque à leurs causes de manière responsable et réfléchie.
Et combien de générations faut-il accumuler pour faire partie de ce « nous » mythique que vous évoquez ? Des personnes qui ont créé ou développé différentes activités économiques sur le territoire et qui ont depuis des décennies participé à sa gestion et à son développement seraient illégitimes ? Au nom de quoi ? De quelles valeurs immanentes ?
Oui, les clivages existent. Nous ne sommes pas dans un monde où une pensée unique, quelle qu’elle soit, aurait le monopole de la raison. Nous avons à organiser le débat, accepter que l’autre pense et agisse différemment, respecter les minorités et trouver les compromis nécessaires au vivre ensemble.
Voilà quelques unes des « vertus » que les élu-e-s, tous les élu-e-s, tout comme l’ensemble des citoyennes et des citoyens, doivent s’efforcer de mettre en œuvre si nous voulons éviter que notre société ne se disloque et ne sombre dans les visions totalitaires qu’elles qu’en soient les origines.